BEN VoILA, JE SuIS ReVIeNDuE... (avec un texte)
Illuminés
- Le Père Noël est mort à 23h59, le 24 décembre. Grillé comme une côtelette sur son barbecue. Le rapport du légiste est formel. Pourriez-vous me dire où vous vous trouviez à ce moment là ?
L’homme, un policier en civil, déambule dans une pièce éclairée par un néon. Un autre homme, brushing défait, vêtu d’un polo lacoste et d’un pantalon de sport, est assis face à lui.
- Une fois de plus, je vous le répète, je n’y suis pour rien… Vous devez me croire !
- Oui, c’est ça… Et si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle !
- Mais je vous l’ai dit : je ne suis pas l’assassin du Père Noël ! Je suis blanc comme neige ! Tout est de la faute de mon voisin !
- Ah oui ? Alors, franchement, j’aimerais que vous m’expliquiez à nouveau. J’aime bien ça, moi, les contes de noël…
Le polo lacoste, dubitatif, s’exécute.
- Tout a commencé voici cinq ans, à l’occasion des fêtes de fin d’an…
- Cinq ans, vous êtes sûr de la date que vous avancez ?
- Oui, croyez-moi : j’ai une excellente mémoire des chiffres ! Je peux vous assurer que le fait d’arriver quatre ans de suite à la seconde place du Grand Concours départemental de la plus belle maison illuminée, ça laisse des traces!
- Visiblement, oui… Mais continuez.
- A cette époque, M. Deloin et moi-même étions donc voisins et amis. Nous avions réalisé quelques affaires ensemble, des placements plutôt bons d’ailleurs et…
- Si vous alliez à l’essentiel, M. Grange ?
- Excusez-moi ! Mais, vous me perturbez avec vos manières ! Je n’ai pas l’habitude que l’on me traite de cette façon.
- M. Grraannge…
- Oui, je continue, voilà… Donc, pour résumer la situation, mon voisin et moi-même étions amis. Puis, nous nous sommes lancés dans ce concours de maisons illuminées et tout a changé. Au début, nous nous serrions les coudes. L’un conseillait l’autre et vice versa. Pour nos familles, faire vivre nos façades étaient une grande joie ! Puis, sa maison a remporté le premier prix la première année, la deuxième, la troisième… Nous étions chaque fois relégués au second plan. Je me souviendrai toujours du regard de mes enfants l’an passé à la remise de prix. Vous n’imaginez pas…
- S’il vous plait, Monsieur Grange, évitons le sentimentalisme. Je vous rappelle que vous êtes soupçonné d’avoir descendu le Père Noël ! D’ailleurs, sa mort n’a pas l’air de vous chagriner !
- Mais puisque je vous dis que je ne l’ai pas tué, espèce de crétin ! A votre âge, vous ne savez pas encore qu’il n’existe pas le Père Noël ? Ce sont des fariboles, des mensonges imaginés par des adultes sans cœur… Ce type est une illusion, une invention folklorique !
Le policier perd patience. Il fulmine et frappe un grand coup sur la table.
- Oh, dites, folklorique vous-même ! Quel manque de respect ! Vous êtes un peu gonflé là : sans cœur, ça vous irait très bien…
- Mais je suis un honnête citoyen, moi, Monsieur ! Je paie mes impôts. J’aime mes enfants. Ma femme a trois cartes de crédit… Je suis incapable de tuer le Père Noël, ni qui que ce soit d’ailleurs !
- Bien sûr… Alors, si vous n’avez pas tué le Père Noël, c’est qui le type façon barbecue qu’on a trouvé dans le traîneau lumineux, entourés de nains de jardins ?
Le polo lacoste s’affaisse sur sa chaise, avec l’expression d’un gamin pris en faute.
- Ben… c’est mon voisin. Je n’y peux rien moi, si j’ai remporté le premier prix cette année ! Ce… con a voulu se venger en me piquant mon traîneau. J’avais installé un système d’alarme. J’ai l’impression qu’il y a eu un court circuit.